Peu nombreuses sont les auteures de BD à pouvoir vivre de leur plume, elles l’étaient encore moins à l’époque de Claire Bretécher et de Florence Cestac dans un milieu artistique quasi exclusivement masculin. Évidemment la représentation des femmes s’en trouve quelque peu, comment dire, déformée ? Aussi remercions ces dessinatrices qui ont lutté pour s’imposer et contribuer aussi bien à l’émancipation féminine qu’à l’évolution des mentalités.

Petit florilège de quelques auteures majeures de la nouvelle génération et hommage à leurs aînées

Claire Bretécher, souvenirs souvenirs…

Bretecher

Des années 70 à 2000, elle nous a réjouis, consolés, amusés…avec ses nanas plus vraies que nature, ses ados et ses cabots. Tous les sujets y sont passés de la contraception à la chirurgie esthétique sans oublier la maternité, la famille, la sexualité et même la fécondation in-vitro, surtout le machisme et toutes les inégalités dont les femmes peuvent être victimes.
Les bobos, les écolos, les aristos, les cathos, personne n’a été épargné. Bref ! vous l’aurez compris, elle fustige l’absurdité sous toutes ses formes.
Il suffit d’égrener les titres de ses albums pour que le sourire vous monte aux lèvres, essayez avec Les Amours écologiques du Bolot occidental ou Baratine et Molgaga, Docteur Ventouse bobologue. Si ça ne marche pas continuez avec Le Destin de Monique, Tourista et n’oubliez surtout pas Les Frustrés, Agrippine ni La Vie passionnée de Thérèse d'Avila. Oups ! J’allais oublier la géniale Cellulite.
Le dynamisme, le mouvement, la gestuelle apportaient à son dessin une touche irrésistible de drôlerie, c’était « sa patte » comme dit l’expression, immédiatement reconnaissable et tellement juste. Le cinéma a même adapté Les frustrés et Agrippine en courts-métrages animés. Vous trouverez aussi Peau de bique, une parodie de Peau d’âne dans le DVD éponyme de Jacques Demy.

 

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Florence Cestac et ses gros nez

cestac

 

Comme pour Bretécher son dessin est identifiable au premier coup d’œil, trait caricatural, gros nez... aux antipodes des fantasmes masculins des dessinateurs de BD.
Elle aussi défend la cause des femmes. Contrairement à sa copine elle est une militante féministe engagée. Des Salopes et des Anges dédié à Simone Veil est consacré à l’avortement. Elle se mobilise aussi pour les droits des auteurs Comment faire de la "bédé" sans passer pour un pied-nickelé, La vie d'artiste sans s'emmêler les pinceaux sur les chemins détournés en partie autobiographique.
Évidemment elle dénonce le sexisme mais pas que. En témoignent ses Filles des oiseaux sur la religion, qui débute par la période de mai 68 et Super catho. Le couple dans Je veux pas divorcer ! traite de la séparation, les vacances dans Du sable dans le maillot ou on est bien arrivés, il fait beau et les gens sont sympas, les animaux domestiques dans Qui dit chat, dit chien ! Petit manuel à l'usage des maîtres, la famille Les Déblok… autant de thèmes gentiment parodiés.
Plus que tout elle a libéré la parole sur des sujets jusqu’alors tabous comme l’adultère d’un conjoint avec Le démon de midi ou "Changement d'herbage réjouit les veaux", la cinquantaine avec Le démon d'après midi, la ménopause avec Le démon du soir ou la ménopause héroïque, évoquant trois âges de la vie des femmes. Tous leurs soucis sont croqués avec une bonne dose d’humour car elle cultive l'autodérision comme personne. Un bon remède à la morosité : Les démons de l'existence ou ce qui ne nous tue pas nous rend plus forte... Ben voyons ! ou encore La vie en rose ou l'obsessionnelle poursuite du bonheur.

   

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Catherine Meurisse, l’humour de l’art et vice versa

Meurisse autoportrait

Au-delà de l’art et de la littérature l’humour caractérise le travail de Catherine Meurisse. Comme elle le disait elle-même dans une interview « L'humour, c'est une politesse, une générosité, ça illumine nos vies. » Effectivement le rire et la beauté sauvent de tout, même de l’horreur, comme en témoigne son album La légèreté dans lequel elle évoque l’après attentat contre Charlie.

Seule femme de l'équipe de dessinateurs permanents de Charlie Hebdo depuis 2005, elle apparait dans leurs ouvrages collectifs aux côtés de Charb, Riss, Luz… Par ailleurs, outre le dessin de presse, Catherine Meurisse dessine pour la jeunesse dans des magazines et toutes sortes de publications. C’est en publiant Causerie sur Delacroix qu’elle devient illustratrice de bande dessinée.
Suivent plusieurs ouvrages consacrés à l’art, à la littérature ou les deux à la fois comme Le pont des Arts qui questionne les rapports entre peintres et écrivains. Saluons également son interprétation du Lagarde et Michard de notre enfance avec Mes hommes de lettres qui métamorphosait d’illustres écrivains français en rock stars, jubilatoire et en même temps très bien documenté.
Pour Les Grands Espaces véritable plaidoyer pour la nature et l’art, elle troque plume et encre de Chine pour les crayons et couleurs pastel. Consacré à son enfance dans le Poitou c’est un album tout en délicatesse qui révèle son attrait pour le Romantisme.

 

2020, un très bon cru pour Catherine Meurisse puisqu’elle est élue à l’Académie des beaux-arts, première auteure de BD à accéder à cette distinction. En plus une expo lui est consacrée au festival d'Angoulême. Elle est aussi la marraine de l'opération lancée par le ministère de la culture 2020, l'année de la bande dessinée.

 

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Pénélope Bagieu ou les femmes qui ne font que ce qu'elles veulent…

Bagieu

 

Qualifiée de bédéiste féministe en raison de sa tendance à illustrer les causes défendues par les femmes, dans sa jeunesse elle a été victime du syndrome de Tintin, « Pas de fille » dans ces histoires à part la Castafiore… Elle s’est plutôt reconnue dans Mafalda, gamine a la critique très mature sur le monde qui l’entoure. Du coup, devenue adulte et dessinatrice, illustratrice, auteure de BD, elle croque l’absurdité, c’est un raccourci...
Pourtant elle a cherché sa voie assez longtemps, a essayé le cinéma, l’animation puis l’illustration. En 2006 elle réalise un court métrage Fini de rire. Elle a même commencé à bosser dans la pub. C’est à ce moment-là qu’elle se fait remarquer en écrivant Ma vie est tout à fait fascinante sur un blog. Succès qui va lui permettre de publier puis ce sera la série Joséphine en 3T, une héroïne très girly, complexée par son physique puis Cadavre exquis, dans lequel Zoé travaille dans le milieu littéraire et le décrit avec un humour désopilant. Plus en 2015 elle sort le très bel album California Dreamin, titre éponyme d’une chanson du groupe Mamas & Papas qui raconte l’histoire d’Ellen Naomi Cohen dite Cass Eliott.
Tout ça pour vous mettre l’eau à la bouche car les BD récentes de Pénélope Bagieu sont encore mieux. Vous adorerez les Culottées, parues au départ sur un blog puis publiées sous forme d'albums. Le sous-titre Des femmes qui ne font que ce qu'elles veulent… est explicite. Ce sont des portraits de femmes qui ont changé leur destinée envers et contre tous. Cette publication lui vaut le Prix Eisner qui récompense la meilleure édition américaine d'une œuvre internationale, respect !
Enfin Pénélope a réalisé son rêve d’adapter le livre préféré de son enfance Sacrées sorcières de Roald Dahl et c’est une réussite, aussi prenant que le roman.

Côté cinéma, incessamment Culottées sera adapté en une série animée de trente épisodes. Cerise sur le gâteau, Joséphine connait son heure de gloire puisqu'elle fait également l'objet d'une adaptation en deux films.

 

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 Ces auteures ont en commun un lien avec Claire Bretécher que ce soit d’amitié ou d’admiration. Elles représentent les femmes dans toutes leurs facettes et leur diversité. Nous voilà rassurés, la relève est assurée.