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Fin 2020, le service Ingénierie culturelle constitue sur la base du volontariat, une équipe de référents territoriaux, sensibilisés aux nouveaux enjeux de l’ingénierie, avec en premier lieu une redéfinition de leurs missions à l’échelle intercommunale.

Ce référent territorial devient le partenaire privilégié des bibliothèques du territoire qui lui est affecté, lui-même constitué d’une ou plusieurs intercommunalités. 

Rencontre avec Pierre-Yves Cartillier, responsable de l’ingénierie culturelle, et Claudine Chambard, référente des territoires du Grand Chalon et Beaune Côte et Sud...

Une année s’est écoulée depuis la constitution de cette nouvelle équipe, peut-on déjà ressentir les effets de cette organisation sur le réseau ? Quel bilan tirer de l’année 2021 ?

PYC : – Il est évident que la reprise des missions des référents selon la nouvelle formule a un effet positif sur les projets des bibliothèques. Après une année de fonctionnement, nous disposons déjà d’éléments chiffrés qui nous permettent de mesurer cet impact, comme le nombre d’interventions des référents sur le terrain, mais aussi le développement de projets construits à travers la rédaction commune des élus et des bibliothécaires d’un Projet culturel et enfin, des indicateurs financiers pour l’année écoulée. Indicateurs et données chiffrées montrent une forte croissance de l’activité, et témoignent d’une certaine émulation dans les bibliothèques du réseau, qui a porté ses fruits en 2021.

Il faut dire aussi que la mise en route de cette nouvelle équipe est intervenue à un moment favorable avec des dispositifs financiers encourageant les projets, un renouvellement important des personnels des bibliothèques, bénévoles ou salariés et l’arrivée de nouveaux élus locaux qui portent un intérêt plus fort aux bibliothèques. Au final, un contexte propice à la rénovation des équipements et à l’investissement des collectivités. Enfin et contrairement à toute attente, la crise sanitaire a eu malgré tout cet effet positif de dégager du temps disponible pour la réflexion et l’élaboration de nouveaux projets.

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Quel rôle jouent les référents territoriaux dans cette dynamique générale ?

PYC : – Depuis 2021, les douze référents se déplacent sur le terrain, sur une base territoriale intercommunale. En termes d’image, il a fallu faire prendre conscience aux collègues du réseau et aux élus d’un apport technique y compris en termes d’accompagnement, c’est-à-dire en termes d'ingénierie culturelle, à la base de toute forme de projet de financement. Les référents de territoire, et plus généralement les bibliothèques départementales sont de plus en plus identifiés dans ce rôle, par ailleurs confirmé récemment par la Loi Robert qui donne aussi une vision plus stratégique et politique des dynamiques de lecture publique, avec un accompagnement des bibliothèques dans une dimension plus territoriale du fait d’une répartition des territoires calquée sur les intercommunalités.

Quel lien faites-vous entre la lecture publique et la réforme des intercommunalités depuis 2015 ?

PYC : – La BDSL accompagne les intercommunalités qui souhaitent intervenir directement dans le domaine de la lecture publique en gérant des équipements ou des réseaux considérés dès lors comme « d’intérêt communautaire » (une compétence optionnelle des intercommunalités). En Saône-et-Loire, on en compte cinq, avec de grandes disparités dans la mise en œuvre de cette compétence. Deux communautés de communes sont très avancées dans le domaine de la lecture publique : la BLI (Bresse Louhannaise interco) et BSB (Brionnais Sud Bourgogne). Sur l’ensemble du département, toutes les solutions cohabitent...

La DRAC appréhende aussi les territoires autour de la notion de « bassins de vie » telle qu’initiée au début des Bibliothèques départementales. Elle utilise des outils de contractualisation avec les territoires avec les Contrats territoires lecture (CTL) et les Contrats d’éducation artistique et culturelle (CLEA) et tend à encourager financièrement les modes de coopération au sens large. Ce qui est une bonne nouvelle, car on peut aussi s’appuyer sur des historiques de collaborations entre bibliothèques initiées depuis leurs débuts par les BDP. En tous cas, on ne constate pas pour l’instant de nouvelles prises de compétences des intercommunalités en matière de lecture publique...Le rôle des référents s’affine de plus en plus pour s’adapter aux besoins des bibliothèques sur l’ensemble du département.

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Quelle traduction concrète peut-on donner de cette dynamique ? S’agit-il d’un mouvement de fond ?

PYC : – Je parlerais plutôt d’une convergence de circonstances. Le Département s’est doté deux dispositifs de financement de projets : l’appel à projet départemental pour les projets avec un investissement de plus de 10 000 €, et le dispositif de « Conseil et accompagnement culturels au service des territoires » pour les projets de moins de 10 000 €, dispositif phare de soutien aux projets de « petite ingénierie ».

En 2021, nous avons traité au total 21 dossiers de demande de subventions via l’un ou l’autre dispositif. Le montant des investissements engagés par les collectivités s’est élevé à 106 000 €, que le Département a contribué à financer à hauteur de 68 600 €. Enfin, 16 communes et 5 intercommunalités ont bénéficié de l’un ou l’autre de ces dispositifs pendant l’année écoulée.
La plupart du temps, ces aides du Département vont de pair avec des subventions de la DRAC dans le cadre des politiques publiques portées par le ministère de la Culture. On constate aussi une multiplication des Contrats Territoire Lecture (CTL) entre l’Etat et les intercommunalités, autant de « marchepieds » favorisant les coopérations et la structuration territoriale, pouvant se conclure, au bout de quelques années d’expérimentation par une gestion intercommunale de réseaux de lecture publique.

En général quelles sont les demandes ? Quels types de projets sont financés par le Département ?

PYC : – De moins en moins de dossiers d’informatisation, ce qui est logique au regard du taux d’équipement des bibliothèques aujourd’hui. En revanche, 10 dossiers sur les 21 étaient liés à des projets de ré-informatisation, notamment pour s’équiper d’un portail Web. On voit ici que la prise en compte des services numériques a été boostée par l’expérience des confinements successifs…
On comptait 10 dossiers de projets d’aménagement et de mobilier en 2021, avec une évidente transformation vers des bibliothèques « troisième-lieu », souvent point de départ d’une métamorphose plus complète. Quand les bibliothèques évoluent vers d’autres espaces, le référent territorial propose systématiquement un accompagnement à la réflexion et à la rédaction d’un Projet culturel : anticiper les usages, les mettre en relation avec la réalité du public, fédérer, favoriser de nouveaux liens à l‘intérieur d’une équipe, mais aussi entre une équipe et son autorité de tutelle, favoriser l’implication des mairies, les inviter à échanger et à se positionner.

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Le Projet culturel réussit là où le rapport d’activité et le dispositif initial des Comités de gestion des bibliothèques associées avaient en partie échoué.

PYC : – Le Projet culturel interroge le sens des actions menées ou envisagées, ça oblige à réfléchir, à échanger. C’est aussi un questionnement sur l’avenir des référents territoriaux. Comment mieux cerner la question du management des personnes. Les référents se retrouvent comme des médiateurs, des accompagnateurs, chargés de dynamiser un projet ou un groupe sur un temps court ou long, parfois dans une grande discontinuité.

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Une fois sur le terrain, comment s’y prennent-t-ils ?

PYC : – En général, le référent propose plusieurs modèles type de projet mais la démarche est beaucoup plus facile quand elle est liée à une demande de subvention.

CC : - Tout cela en respectant le principe de neutralité du service public mais avec une capacité à donner un avis technique sincère sur ce qui est réalisable ou pas. Parfois les difficultés rencontrées par les équipes proviennent d’un manque de formation dans le domaine des politiques culturelles et le questionnement du sens de l’action publique. La formation initiale évoque ces questions, mais elles ne peuvent être réellement développées que dans le cadre de la formation continue. Le rôle du référent est alors très important : les accompagner, leur donner confiance dans leurs propres compétences tout en gardant une forme de neutralité. D’où la nécessité pour les référents d’avoir une bonne connaissance des politiques publiques pour être crédible auprès des équipes et auprès des élus, de se former et favoriser la circulation de l’information, de développer une méthodologie et un savoir-faire rédactionnel, mais aussi d’avoir une bonne connaissance du personnel des bibliothèques.

Combien de projets culturels étaient en cours sur le réseau en 2021 ? 

PYC : - Pour l’année 2021, quinze projets culturels en cours ou réalisés, dont nous sommes partie prenante pour dix d’entre eux, avec le suivi du projet et des échanges entre collègues et parfois un travail collectif pour améliorer une situation qui semble bloquée sur l’un ou l’autre point du projet.
Certains projets ont pu être réalisés courant 2021, on peut citer les bibliothèques de Clessé, Pouilloux, Viré-le-Grand, Iguerande ; d’autres sont en cours : bibliothèques de Cuisery, Le Breuil, Montpont-en-Bresse, Saint-Vallier, Saint-Agnan. Les projets des bibliothèques Crissey, Crèche-sur-Saône, Gueugnon devraient voir le jour en 2022…

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Dans ce domaine, quels sont les rapports avec la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Bourgogne-Franche-Comté ? Comment s’articulent les actions de la BDSL avec les interventions de la DRAC ?

PYC : - En travaillant ces Projets culturels avec les bibliothèques et les élus, la BDSL développe une meilleure connaissance des équipements de son réseau, qu’elle peut ensuite transmettre à la DRAC pour engager une véritable dynamique de coopération. L’expertise territoriale de la BDSL vient compléter les dossiers traités par la DRAC, dans le même temps, la BDSL a besoin de pouvoir s’appuyer sur l’Etat pour renforcer son action. Nous avançons naturellement de pair avec Sylviane Jourdheuil, Conseillère Livre et lecture à la DRAC.

Qui coordonne l’équipe des référents ? Sont-ils rassemblés dans un service Ingénierie ?

PYC : - Ils ont tous d’autres missions liées aux collections, à l’animation, etc. au sein de la BDSL. Claudine et moi, nous formons tous deux le noyau dur de l’équipe de référents : je suis responsable de l’ingénierie culturelle et de la formation, mais aussi référent de quatre territoires : Brionnais Sud Bourgogne, Clunisois, Bresse Revermont 71 et enfin Bresse Nord Intercom. Pour sa part, Claudine est référente des territoires Le Grand Chalon et Beaune Côte et Sud, mais aussi référente Statistiques (Scrib) à la BDSL pour le réseau. Un travail quantitatif, avec des données, des alertes, des analyses, autant d’éléments de pilotage qui intègrent la panoplie des outils de l’ingénierie. Cette autre mission sur les statistiques des bibliothèques a un impact fort sur le travail de l’ensemble des référents. Claudine est aussi beaucoup sur le terrain pour expliquer le fonctionnement de Scrib et les modalités de saisie des statistiques.

En tant que bibliothécaire à la BDSL, qu’est-ce que cela apporte d’être référent de territoire ?

CC : - D’un point de vue personnel, cela me permet de rencontrer des gens très différents, de milieux très variés, des équipes, des élus… Au niveau professionnel, avec le nouveau cadre d’intervention des référents de territoire, ce sont des expériences qui viennent enrichir mon quotidien et ma pratique. Comme une pelote de laine qui grossit et double de volume. En participant à faire que les bibliothèques deviennent des lieux où personne ne s’interdit d’aller, des lieux vivants, accessibles à tous,… Quand tu vas sur le territoire, tu partages beaucoup de connaissances techniques, tu transmets, tu ne gardes pas pour toi. Donner les moyens et les outils pour gagner en autonomie, c’est très intéressant. Suivre des projets à partir d’une simple envie, d’une simple idée, et avoir parfois la chance de pouvoir suivre l’idée jusqu’à l’inauguration d’un nouveau service, c’est à la fois intéressant et gratifiant !

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Publication : février 2022